Un savoir gai

William Marx

Un savoir gai

William Marx

Minuit 2018

170 p, 15 €

Plus qu’un témoignage, moins qu’un traité. Plus qu’un essai, moins qu’un exercice d’ admiration – et sans doute, le contraire – un savoir gai de William Marx n’est pas Le gai savoir de quoi que ce soit. C’est parce qu’il échappe aux codes majeurs de toutes les majorités que ce livre est très important. L’apparence de l’abécédaire ne s’offre que pour rire : il s’agit plutôt d’une composition sérielle où l’authenticité de plans de vie est conjuguée sans théorie, où les clins d’oeil complices s’ajustent aux plus belles références (de Platon à Jean Genet). Et le découpage en 33 blocs n’est qu’un clin d’oeil à Dante, comme le titre à Nietzsche.

Un gai savoir procède sous règne de la liberté. Rares sont les ouvrages irrigués par une vraie liberté de l’esprit. Rares sont les vies traversées par de vraies libertés de mouvement. Excellents sont les vrais philosophes, brillants et discrets. Sublimes sont les artistes qui rendent un peu plus visible ce qui était invisible dans l’aveuglement majoritaire.

William Marx est un subtil philosophe-artiste au sens le plus nietzschéen du terme. Nourri de philologie, il goûte aussi les plaisirs (et les tristesses) de la vie. D’où – peut-être – la convocation de soi. Autant se tutoyer en public – avec une infinie pudeur et l’humour joyeux quasi permanent.

Du constat au plaidoyer. Le constat : oui, les idées majoritaires sont hétérocentrées. Oui, on le sait depuis longtemps désormais, l’adulte mâle civilisé blanc hétérosexuel est un paradigme dominant…

Le plaidoyer (par commodité car il n’y a ici ni procès, ni plaidoirie, ni juge) va intensifier tranquillement les contrastes des images majoritaires de l’homosexualité. Vous me voyez comme ça ? Mais je suis comme ça. Au sein de l’étrangement. « L’étrangement, c’est le sentiment d’être étranger à son propre milieu, sans que cette étrangeté soit nécessairement reconnue ou visible par ceux qui vous entourent. La faute en revient évidemment au limes. » dit William Marx. Le limes, c’est la limite déterminée par les normes dominantes. Et le non-hétéro doit composer, comme il peut, avec une société hétérosexuée et hétérocentrée. Car « le limes sera toujours là ». Pessimisme ou lucidité sur la bêtise majoritaire ?

Il n’y a pas si longtemps, l’homosexualité était un crime, puis un délit (n’oublions pas le fichage policier P.H. « présumé homo » des années 70…). Puis l’hécatombe des années SIDA, la nouvelle peste… Et puis, récemment le mariage pour tous. Le progrès juridique aurait-il suivi le progrès moral ? La bonne blague. Et inutile de convoquer le vieux Kant pour qui la morale ne fait pas de progrès. Sale blague que la manif pour tous.

La culture ne sauve pas, elle aide. Mieux vaut naitre et grandir homo avec un capital culturel et économique ++ que moins moins. N’empêche. Il faudra jouer des tours, des coudes et des détours. C’est là que le tutoiement public veut interpeler l’hétéro majoritaire. Aisé, avec un naturel inconscient, pour un hétéro de parler de sa femme en tout milieu. Moins aisé, encore aujourd’hui, d’évoquer – sans réflexion stratégique préalable – son compagnon urbi et orbi. Hétéros, encore un effort !

Chance, il y a les communautés. Pour le meilleur et pour le moins meilleur. Chance, il y a des refuges. Chance, il y a « Sophocle, Platon, Alexandre, César, Jésus, Léonard, Shakespeare, Descartes, Schubert, Newton, Lincoln, Proust, Turing, Foucault… ( et William Marx) pour ne citer que ces exemples plus ou moins confirmés, sans parler des anonymes… Sans eux, l’humanité fût peut-être toujours là, mais elle fût différente assurément, et probablement pire. »

Deux grandes figures irriguent de bout en bout ce roadbook aux sentiers qui bifurquent : la voix de Barthes et les recherches très actuelles de Foucault. Les aveux de la chair, ultime ouvrage de Michel Foucault, paraît en ce début 2018. Un signe ?

Un savoir gai devrait, sinon changer le monde, au moins bousculer les préjugés et égratigner les esprits un peu trop sûrs d’eux-mêmes.

Didier Bazy

William Marx

l’auteur

William Marx : Critique et historien de la littérature, philologue, essayiste. Ancien élève de l’École normale supérieure, agrégé de lettres classiques, il est professeur de littérature à l’université Paris Nanterre, membre honoraire de l’Institut universitaire de France et du Wissenschaftskolleg zu Berlin, lauréat de l’Académie française…Prof au collège de France.

Tout art est complètement inutile

Tout art est complètement inutile
O Wilde
P de D Gray
Trad C Jeanney
V non censurée

Publie.net

« L’artiste est créateur de belles choses.

Le but de l’art est de se révéler, tout en dissimulant l’artiste.

Le critique est celui qui peut traduire d’une autre manière, ou dans d’autres matières, ce qu’il ressent devant de belles choses.

La plus élevée comme la plus basse des critiques est une forme d’autobiographie.

Ceux qui trouvent de laides significations aux belles choses sont dépravés et dépourvus de charme. C’est une faute.

Ceux qui trouvent de belles significations aux belles choses sont cultivés. Pour eux, il reste de l’espoir.

Les élus sont ceux pour qui les belles choses signifient simplement Beauté.

Un livre moral ou amoral n’existe pas. Les livres sont bien ou mal écrits. C’est tout.

L’aversion du XIXe siècle pour le Réalisme ressemble à la rage d’un Caliban qui regarde son visage dans la glace.

L’aversion du XIXe siècle pour le Romantisme ressemble à la rage d’un Caliban qui n’arrive pas à voir son visage dans la glace.

La moralité d’un homme peut, en partie, donner matière à un artiste, mais la moralité de l’art consiste à utiliser parfaitement un instrument imparfait.

Aucun artiste ne désire prouver quoi que ce soit.

« Aucun artiste n’a de penchants éthiques. Le penchant éthique, chez un artiste, est un impardonnable maniérisme.

Un artiste n’est jamais malsain. L’artiste peut tout exprimer.

Pensée et langage sont, pour les artistes, les instruments d’un art.

Vice et vertu sont, pour les artistes, les matériaux d’un art.

Du point de vue de la forme, le type d’art exemplaire entre tous est celui du musicien. Du point de vue des émotions, c’est celui de l’acteur.

Tout art est à la fois surface et symbole.

Ceux qui vont sous la surface le font à leurs risques et périls.

Ceux qui lisent le symbole le font aussi à leurs risques et périls.

C’est le spectateur, et non la vie, que l’art reflète vraiment.

La diversité des avis devant une œuvre d’art montre qu’elle est neuve, complexe, vitale.

Quand les critiques sont en désaccord, l’artiste est en accord avec lui-même.

On peut pardonner l’homme qui fait quelque chose d’utile, tant qu’il ne l’admire pas. La seule excuse valable de celui qui fait quelque chose d’inutile est qu’on puisse l’admirer intensément.

Tout art est complètement inutile. »

Extrait de
Le Portrait de Dorian Gray
Oscar Wilde
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Ordure Eugene Marten

La viduité

Plongée perturbante dans la psyché d’un paumé solitaire, d’un dingue banal d’un agent d’entretien aux liens, disons, un peu trop étroits avec les déchets qu’il trouve. Récit très noir, où l’horreur est à peine suggérée, glissée entre deux phrases banals, Ordure nous entraîne dans la perception atrophiée, aliénée, de Sloper son ordinairement détestable, dégueulasse, personnage. Eugen Marten à faire entendre toute la folie de nos vies.

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