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Tournier, Spinoza et la littérature jeunesse #lacauselit

Ecrire n’importe quoi n’est pas très difficile. On peut même traîner en longueurs ennuyeuses. Les contes sont souvent tristes. La langueur les plombent et les lecteurs plongent, injustement contristés. Michel Tournier, écrivain soi-disant tardif, prend du temps pour écrire. Du long, bien connu. Du court, et même très court.Avec Pierrot, on est contristé. Ça ne peut plus durer. Ça ne va pas durer. Parce que c’est dans la dure durée que toute vie change vite de modes. En 40 pages moins les images, à peine 20 pages, Michel Tournier nous initie, dès l’âge de 8 ans, à Spinoza. Tout simplement. Tournier l’a signalé. Plusieurs fois. En plusieurs endroits. Non sans fierté ou fausse modestie. En quelques phrases, le mythe de Pierrot la lune est élucidé et, dans le même temps, l’Ethique de Spinoza frappe comme un éclair.

Spinoza n’est pas plaqué sur le conte pour le raccourcir. L’éthique est (re)découverte par le traitement que Tournier opère à la chanson. Et c’est le raccourci, balai de sorcière, qui renvoie à Spinoza tout entier. Tournier prend Pierrot au pied du four de sa boulangerie nocturne. La pâte est posée, la Substance repose. Le mode de vie de Pierrot est tout entier à la pâte. Pierrot n’est pas la Substance mais déjà, il est installé à l’orée divine. C’est sa chance : il sent et expérimente qu’il est éternel. A condition de persévérer dans son être. Ce qu’il semble condamné à faire : pétrir ou périr.

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Tournier Spinoza
http://www.lacauselitteraire.fr/pierrot-ou-les-secrets-de-la-nuit-michel-tournier

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Une vraie jeune fille de Michel HOST, Weyrich Edition, 2015

Une vraie jeune fille

Michel Host

Weyrich Edition, 2015

14 €, 200p.

 

   

Sept nouvelles et trois contes. Un nouveau décalogue signé Michel Host ?

(Des dix injonctions nous n’en évoquerons que trois, au hasard)

 

Le genre de la nouvelle demande : que s’est-il passé ? Allons-y. Que s’est-il donc passé dans la nouvelle « Une vraie jeune fille », long récit inaugural jusqu’au titre de l’éditeur ?

 

Première nouvelle.

Miss Atta est Une vraie jeune fille. Elle chasse à l’arbalète, à poil, en compagnie d’Holopherne, lui aussi à poil. Que chassent-ils ? Le plaisir ? Le bonheur ? Les chasseurs à fusils ? Que s’est-il passé pour qu’une jeune baronne en arrive là ? Comme le narrateur est ici enquêteur, on apprendra vite ce qui s’est passé. Mais on ne saura jamais comment ça s’est passé. Michel Host, loin des modes, casse le code de la nouvelle. Excellente nouvelle.

 

Le genre du conte pose la question inversée : qu’est-ce qui va se passer ? Que va-t-il se passer dans le très court et très fulgurant conte « Les vacances d’Aline »

 

Premier conte.

Comment les vacances d’Aline vont-elles finir ? On sait à peu près ce qui s’est passé, la douleur de l’absence d’un père et ce qui s’ensuit. On fait des détours, dans le conte, on raconte, on décrit la nature et les fleurs et les arbres. Un mot mystérieux, gravé sur une stèle surgie des broussailles, livrerait-il quelque indice ? Salmakis… La naïade d’Ovide éprise d’Hermaphrodite ? Et alors ? Fausse piste ? Suivons le crapaud, ami d’Aline, jusqu’où ?

 

Drôle de conte, tragique en diable. La fin, c’est justement ce qui va se passer, la fin.

 

 

Fin inéluctable du conte : Racaille. Poisson d’or et Chocolat ont piqué une C5. Road story. Ambiance Pulp Fiction. Rien ne manque : autoroute, sexe, flingue, chips, motel…Qu’est-ce qui va se passer ? On la sait depuis le début. Un conte renversé. Au delà du renversant : rien que des faits.

Racaille ? Une fable d’aujourd’hui sans La Morale. Du saisi sur le vif, comme si le cinéma de Luis Bunuel était devenu La Réalité. Ce qu’elle est devenue. Host est ici un hyperréaliste et échappe à toute classification.

 

Michel Host, génie subtil, fait des contes dans le genre nouvelle et ses nouvelles se lisent comme des contes. Il rallonge le court. Il coupe court toute longueur. Ce n’est pas du mélange des genres : c’est l’explosion des formats convenus qui, ici, éclairent le grand style. Conjugueur et coloriste, Michel Host ne cède jamais aux facilités de l’écriture. Comment diable parvient-il à marier le Lâcher-prise (tout apparent en surface) et l’exigence aiguisée de la plume (trait qui lui est aussi cher qu’à Flaubert) ?

 

Host ? Un classique très actuel.  

DB 

Quand Dieu n’existait pas

Résistance Inventerre

Libération – 30 janvier 2015 – Olivier Adam –
J’allume la télévision, la radio. Et ils sont là. Partout. Des religieux. De toutes confessions. Des durs. Des mous. Des excités. Des conciliants. Ils s’expriment. Au même titre que les élus, les chercheurs, les intellectuels. Ils formulent des analyses, émettent des préconisations. S’immiscent dans le débat public. Ils ont voix au chapitre. On les consulte. On écoute leurs recommandations. Leurs souhaits. Leurs exigences, même. Mariage et adoption pour tous. Fin de vie. Et même, depuis Charlie, fanatisme religieux (!), liberté d’expression (!!), laïcité (!!!). Ils sont là, partout, arpentent les plateaux. Et s’ils ne sont pas là, on parle d’eux. On tient compte de leur «sensibilité». On nous dit qu’il faut veiller à ne pas les heurter. Et tant pis si, par leurs incursions hors des lieux de culte, ils heurtent les athées et nuancent d’emblée une laïcité pourtant non négociable.

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