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quien es ? Doubinsky 2010 cz J Losfeld. un billet de moins.

SÉBASTIEN DOUBINSKY

Quién es?

«¿Quién es?», «Qui est-ce?» sont les dernières paroles, aujourd’hui célèbres, de Billy the Kid, alias William Antrim, alias William Bonney, ou quelques autres noms encore. Hors-la-loi à seize ans, tué par Pat Garrett dans des conditions obscures à vingt ans, Billy the Kid est devenu un mythe après sa mort. L’action se déroule juste avant, quand celui qui va entrer dans la légende s’interroge sur son existence et les raisons qui l’ont poussé à choisir le destin qu’il a conscience d’incarner.
Le lecteur s’introduit peu à peu dans la tête de cet orphelin sensible qui n’a pas reçu un rudiment d’éducation et s’est construit, à sa manière, avec une vision très personnelle de la justice. Une certaine mélancolie et un certain fatalisme parcourent ce texte captivant qui nous immerge aux États-Unis à la fin du XIXe siècle.

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Nouvelles impressions de l’Ouest selon Raymond Le Roux, flingué par Seb Doub.

Doubinsky a publié chez Joëlle Losfeld en 2010 :

Quien es ? Aussi bien ( traduttore / tradditore ) : T KI ?
T’es qui ? C’est qui lui?

Pas : t’es qui, toi ? (redondance)
Ni : c’est qui ? (un homme n’est pas une chose)
Il serait peut-être ON. Un Il à plusieurs noms (Pessoa). Sans doute Personne (Ulysse, entre le nostalgique homérique et le majoritaire joycéen).

Mon nom est Bill, Billy the kid, Bill le Kid, Billy le Cid. (De Corneille à Bazy, la conséquence est parfois bonne.)

« Je suis jeune il est vrai… » Tu parles : on se prend vachement au sérieux quand on a dix-sept ans. C’est mon K, moi Bill, William, etc.

Rimbaud avec Kafka. Kafka avec Kant. Kant avec Sade. Deleuze avec Masoch… (Faut bien se mettre avec quelqu’un ..)

Il y a de fortes chances que la littérature (et tout l’art) contemporaine signe là son aurore, aujourd’hui inachevée, en ce thème de la dépersonnalisation hyper personnalisée.

La question de la phénoménomologie est Comment ?
(La question du pourquoi a été phagocytée par l’épistémologie, fille de raison, première poule et dernier œuf, mère vierge… pourquoi i.e : à quoi bon ?)

Donc : comment ? Comment ça ? Comment se fait-il que, si jeune, tu sois, toi Bill, devenu un tonton flingueur destiné à être flingué car dans ta vie, courte, tout n’est qu’une affaire de flingue ?
Les bonnes questions recèlent leur juste réponse.

Le critique décèle. Transitif !
Donc il décèle quoi ?
Non non, il détecte comment ?

Il faut continuer, je vais continuer. ( Je n’ai rien inventé, Oncle Sam, mon tonton Beckett… )

Continuer la trahison de la traduction, si près de loin,
– quien es? i.e -de qui s’agit-il ? i.e quoi ? C’est quoi et comment le phénomène i.e – tu me cherches ? Me voilà, tu m’aimes pas, je t’aime pas, c’est toi ou c’est moi, c’est comme ça, on va pas chercher la cause, t’as pas l’temps, j’ai pas l’temps, on tire, bing, le pigeon d’argile, c’est toi, et ce coup-ci, merde, c’est moi, putain, c’est moi qui viens de prendre une balle.

Ha. Ah. Ah. Ha.

Doubinsky : un auteur exigeant et sérieux. Du solide rarement à l’état gazeux. Il marche, sans les casser, sur des œufs. Poul’ : le borborygme signifiant de ceux qui tirent sur des assiettes lancées en l’air aléatoire. Pour rire ? Non : pour l’entraînement. Le gibier vient après. Pour Bill, l’humain est premier. Il en mourra. Il en meurt. Il en est mort. Horizon trop humain. Contemporain de Nietzsche, Bill ? Ce n’est pas un hasard.

Doubinsky, contemporain de Bill ? Le premier livre ici la tête du second. Ce qui se passe dans la tête de Bill.

Des phrases longues. Très longues. Assez longues. Plutôt longues.
Serait-ce pour souligner le mono-longue ?

Peu de probabilités pour que Bill, en son vrai for intérieur, fît d’aussi durables locutions.
Dedans, ça devait tirer vite. Dehors, à la fin, il ne tira pas assez vite.
Nul n’est à l’abri d’un livre dans le dos. Chacun se protège des critiques de front.

Mais sait-on jamais ? La littérature est libre. C’est son drame. Et parfois, son intrigue.

Quien es ?

Même Descartes, chose pensante, dut en avoir… le souffle coupé.

DB,
pour #lacauselit

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Walking HD Thoreau : sauntering

« by Henry David Thoreau

I wish to speak a word for Nature, for absolute freedom and wildness, as contrasted with a freedom and culture merely civil—to regard man as an inhabitant, or a part and parcel of Nature, rather than a member of society. I wish to make an extreme statement, if so I may make an emphatic one, for there are enough champions of civilization: the minister and the school committee and every one of you will take care of that.
I have met with but one or two persons in the course of my life who understood the art of Walking, that is, of taking walks—who had a genius, so to speak, for SAUNTERING, which word is beautifully derived « from idle people who roved about the country, in the Middle Ages, and asked charity, under pretense of going a la Sainte Terre, » to the Holy Land, till the children exclaimed, « There goes a Sainte-Terrer, » a Saunterer, a Holy-Lander. They who never go to the Holy Land in their walks, as they pretend, are indeed mere idlers and vagabonds; but they who do go there are saunterers in the good sense, such as I mean. Some, however, would derive the word from sans terre without land or a home, which, therefore, in the good sense, will mean, having no particular home, but equally at home everywhere. For this is the secret of successful sauntering. He who sits still in a house all the time may be the greatest vagrant of all; but the saunterer, in the good sense, is no more vagrant than the meandering river, which is all the while sedulously seeking the shortest course to the sea. But I prefer the first, which, indeed, is the most probable derivation. For every walk is a sort of crusade, preached by some Peter the Hermit in us, to go forth and reconquer this Holy Land from the hands of the Infidels. »

Extrait de: Henry David Thoreau. « Walking. » iBooks.
Ce contenu est peut-être protégé par des droits d’auteur.

Extrait de: Henry David Thoreau. « Walking. » iBooks.
Ce contenu est peut-être protégé par des droits d’auteur.

Le goût des hommes d’honneur… Ecrit par Martine L. Petauton le 17 août 2013. Reflets du Temps

article paru dans Reflets du Temps août 2013

Riche idée que celle de cette collection – les « Je suis », à destination de ces collégiens (et de leurs parents !) que j’ai, comme on dit, « pratiqués » en ma vie récente de professeur. A cet âge, ils aiment – énormément – l’Histoire, comme s’ils savaient intuitivement, à quel point elle, et elle, surtout, les aide à monter les marches, à savoir d’où ils viennent, bref, à se construire. Au mur de ma classe, il y avait écrit : « l’Histoire étudie le Passé, pour comprendre le Présent et aménager l’Avenir ». Tous aimaient, tout au long de l’année où nous voyagions ensemble, s’y reporter, l’interroger – la « maxime », comme ils disaient. Ils aimaient, avant tout, je crois, que cette science humaine ait une utilité palpable. La liste infinie des grands Croisés ne les intéressait pas, pas plus que les usages, un rien exotiques, des façons de tenir sa fourchette récente au temps de Versailles ; ce dépaysement-là était peanuts à côté de l’outil-histoire, qu’on ouvrait, tel le parapluie automatique, interrogeant l’actu ; quelque chose d’interactif qui allait bien avec leur âge impatient.

Alors, le grand homme, celui qui a « fait » l’Histoire et résonne encore si fortement chaque matin du monde, ici, et maintenant, qui vous parle et dit « je », voilà un succès garanti, en classe de pré-ados. Que Didier Bazy, et son travail qui sonne si juste, en soit, et convaincu, et remercié.

Mais, pour entrer au Panthéon des 14/15, il faut, en classe, comme dans la vraie vie, une bonne dose d’honneur à présenter, en patte blanche – ces gamins, filles comme garçons, ayant par-dessus le tee-shirt à la mode, et le jean troué, la panoplie complète du chevalier médiéval, son sens aigu et chatouilleux de l’honneur, le cheval en moins… quoique…

Or, s’il y a bien une période dans le Contemporain, qui rime avec honneur – pour le Républicain et démocrate de base, s’entend – c’est le Front Populaire.

Si peu de temps pour tant de joies et de choses à engranger au chaud des cœurs de citoyen, au son de l’accordéon, et des poèmes d’Aragon. Je peux en témoigner ; quand arrive le moment du Front dans une classe de 3ème – fût-elle boutonneuse –, s’installe une écoute, une atmosphère, quelquefois une « grâce » même auprès du plus démotivé, du plus éloigné de nous, scolairement : les Congés payés, les grèves joyeuses, les « acquis » – ils apprennent là, le mot, le parfum unique de cette embellie, à coups de tandems au bord des auberges de jeunesse ; tous, ils tendent alors la main… Pour parler comme eux : « ça leur cause ; ça les branche ».
« Ma vie ? Une sorte d’hélice autour de laquelle s’articulent l’art, le droit, le pouvoir – sa conquête et son exercice, et, jusqu’au bout, la justice », dit « le » Blum de Bazy. Tout, absolument tout pour les 30 de 3B ; le programme, les valeurs, le chemin… la vie dont on rêve, tous, et eux, d’abord. On apprend que, petit (le petit-grand homme passionne), la mère de Léon partageait entre cinq enfants tout, même une pomme ! Et que ces cinq « quartiers » ont obsédé le gouvernant qu’il fut. Belle image, beau travail pour un imaginaire en construction. Le socialisme, peut-être ? « qui doit être la synthèse vivante de tout ce qui a une valeur de vérité ou de morale »… socialisme, une pensée en actes qu’ils aiment également beaucoup à cet âge, presque tous… Que tous les gouvernants qui s’habillent de ce mot, y songent ; c’est un mot lourd qu’ils portent, un peu la nitro du camion du Salaire de la peur.

Blum, son élégante classe – on est connaisseur, à 15 ans – fascine et emporte pour le « clair » du Front Populaire, mais aussi (un rien de Romantisme qui traîne) pour le « sombre ». Les difficultés, les échecs, l’Espagne au cœur, les deuils personnels qui raccrochent à l’humain. C’est un temps, en Collège, où le transfert se porte en sautoir, et, du coup, Hector y est préféré à Achille. « Cela n’est pas aisé, mais cela n’est pas impossible. Les réformes ne viennent pas instantanément ; le chômage ne baisse pas assez vite ; la relance de la production toussote ; le mécontentement gronde à nouveau »… parfum qui dit quelque chose ; roue de l’Histoire ; sens, utilité de cette discipline ! Et puis, les blessures, les infamies ; les terribles attaques : « Maurras disant : c’est en tant que juif, qu’il faut voir, concevoir, entendre, combattre et abattre Blum »… Un groupe de jeunes face à l’indicible… deux exemples viennent à l’esprit de tout enseignant d’Histoire : Dreyfus et Blum « l’homme à fusiller, mais dans le dos »… souvent, pour peu que l’enseignant sache aborder ses virages, ça passe, et quel honneur c’est !

Pas seul, Blum, aux manettes de son embellie – si peu de mois ! plus tard, un autre homme d’honneur marquera les esprits à coups de petits jours lui aussi : Mendes ! Autour, l’honneur d’un Marx Dormoy, qui m’est si cher ; celui qui viendra à bout de la Cagoule et y laissera la vie, assassiné (une bombe sous son lit) en début de seconde guerre mondiale ; l’ami très proche, qu’on vouvoie pourtant, celui qui a la fidélité en bandoulière, et saura s’opposer au Régime de Vichy ; « résister, c’est savoir dire non, écrira peu après De Gaulle » et cela, aussi sera affiché dans la classe… Respect ! disent nos minots, admiration… ainsi, de tels politiques !! Si cela a existé, cela peut donc exister encore, et, du moins, il est légitime de l’exiger : la volonté, la constance, la justice, toujours. Et, encore Salengro, l’homme de rien du nord, abattu par l’indignité des paroles et des écrits… Bérégovoy ? Encore la grille de lecture de l’Histoire… « l’honneur d’un homme vendu aux chiens… » serait-il dit, là.

Ils suivent, nos élèves, ces destins, ces modèles, qui sont à la fois debout et à la hauteur de chacun ; ils aiment ; ils saluent… Ils liront le petit livre dense de Didier Bazy qui donne la parole à Blum. « On ne saurait chercher l’idéal hors du réel ; il est dans la vie ; il est la vie même ; il est la foi dans la beauté, dans la justice ; il est la volonté courageuse de faire mûrir le meilleur homme et le meilleur monde… » Et, il y en aura, soyez en sûrs, qui diront « c’est beau ! ».

Dans peu de temps, dans quelques pages du livre d’Histoire, il y aura l’homme au grand chapeau noir et à l’écharpe ; la quintessence du « non » et du goût de la vie ; il y sera question là encore d’honneur, de chemin, et ils écouteront… tous.

Martine Petauton

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#littérature et #internet

#littérature et #internet

Ne réfléchit pas sur l’écriture qui veut.

Nombre de critiques, ou qui se prétendent tels, livrent çà et là, ici, chez eux plutôt que là, leurs pensées, réflexions très profondes, sur l’écriture. Cela est agréable, surtout pour leur nombril. N’est pas Butor qui veut. N’est pas Blanchot qui souhaite. Le constat est lourd : si ces plumitifs livraient leurs sincères impressions sur l’écriture, cela ferait rire. Mais les voilà qui donnent leurs sentiments en pâture sur Leur Écriture. Auto adoubés, ils touchent le Transcendant et le Sublime en un pléonasme impudique sans distance. Nouveaux légionnaires des réseaux dits sociaux, leur acmé exulte quand une vedette du petit écran littéraire ou des media philosophiques, ou leurs affidés éclairés du Net, geeks du contrôle, daignent leur accorder un Follow, un RT, ou un Poke.
Allons allons, c’est le lot de cette pratique du 2.0. Chacun y participe.
Patience. Que nous réserve le 3.1 ?

Réfléchit sur l’écriture des autres qui peut.

Pour Ariel Denis

Ariel Denis n’a pas attendu une quelconque cause littéraire pour l’illustrer et la défendre. Quoi ? On l’a attaquée ? Allons donc qui l’empêche ? Justement, personne. Personne en particulier. Mais alors :
De quoi faut-il se détacher ? Les réponses d’Ariel Denis sont très claires.
En voici quelques-unes cueillies, çà et là, au milieu de son chant :
– des abominables musiques commerciales planétaires des supermarchés,
– du capitalisme médiatique technologique,
– du grand refroidissement climatique (ironique),
– du totalitarisme sanitaire mondial.
Oui la littérature sert aussi à ça. A gravir une échelle de Jacob pour
s’éloigner des contrôles perfides de ce monde ci.
Comment se détacher ? Par l’art. Par l’écriture et, toujours selon Ariel Denis,
par, pour exemple :
« La composition d’un ouvrage pareille à la promenade : fluide et rigoureuse
à la fois… Trop de liberté nous égare, trop de rigueur nous entrave… Il faut être plaisant au lecteur, comme un bon compagnon de voyage, agrémenter sa route et battre un peu la campagne, sans toutefois perdre son chemin ».
Par l’art mais pas seulement. Flaubert à la rescousse : « Il n’y a que trois choses parfaitement belles en ce monde : l’Hamlet de Shakespeare, le Don Giovanni de Mozart, et l’océan ». sic (p. 62).
Le phrasé allongé d’Ariel Denis n’ennuie ni ne lasse. Les didascalies se mêlent et se fondent au récit, souvent en italiques, rarement en parenthèses. Les mondes parallèles se rabattent, avant pendant et après leur déploiement, sur le tenace projet stratégique du détachement dont le départ est le pied de la lettre de ce détachement, morceau de compagnie armée, décrit par César dans la Guerre des Gaules. Le détachement n’est plus seulement la partie que le chef a détachée mais devient l’ensemble vers lequel le récit converge habilement.
Facile d’accès comme les œuvres de Michaux et de Borges, de Murakami ou de Pynchon, Ariel Denis appelle une relecture et un effort, des références préalables et une certaine routine de la chose littéraire. Une de ses prouesses consiste en la musicalité du texte, revendiquée et travaillée ; et ce pas n’est le seul lot de consolation pour les ignorants que nous sommes.


merci à Joseph Vebret