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Pour Ariel Denis

Ariel Denis n’a pas attendu une quelconque cause littéraire pour l’illustrer et la défendre. Quoi ? On l’a attaquée ? Allons donc qui l’empêche ? Justement, personne. Personne en particulier. Mais alors :
De quoi faut-il se détacher ? Les réponses d’Ariel Denis sont très claires.
En voici quelques-unes cueillies, çà et là, au milieu de son chant :
– des abominables musiques commerciales planétaires des supermarchés,
– du capitalisme médiatique technologique,
– du grand refroidissement climatique (ironique),
– du totalitarisme sanitaire mondial.
Oui la littérature sert aussi à ça. A gravir une échelle de Jacob pour
s’éloigner des contrôles perfides de ce monde ci.
Comment se détacher ? Par l’art. Par l’écriture et, toujours selon Ariel Denis,
par, pour exemple :
« La composition d’un ouvrage pareille à la promenade : fluide et rigoureuse
à la fois… Trop de liberté nous égare, trop de rigueur nous entrave… Il faut être plaisant au lecteur, comme un bon compagnon de voyage, agrémenter sa route et battre un peu la campagne, sans toutefois perdre son chemin ».
Par l’art mais pas seulement. Flaubert à la rescousse : « Il n’y a que trois choses parfaitement belles en ce monde : l’Hamlet de Shakespeare, le Don Giovanni de Mozart, et l’océan ». sic (p. 62).
Le phrasé allongé d’Ariel Denis n’ennuie ni ne lasse. Les didascalies se mêlent et se fondent au récit, souvent en italiques, rarement en parenthèses. Les mondes parallèles se rabattent, avant pendant et après leur déploiement, sur le tenace projet stratégique du détachement dont le départ est le pied de la lettre de ce détachement, morceau de compagnie armée, décrit par César dans la Guerre des Gaules. Le détachement n’est plus seulement la partie que le chef a détachée mais devient l’ensemble vers lequel le récit converge habilement.
Facile d’accès comme les œuvres de Michaux et de Borges, de Murakami ou de Pynchon, Ariel Denis appelle une relecture et un effort, des références préalables et une certaine routine de la chose littéraire. Une de ses prouesses consiste en la musicalité du texte, revendiquée et travaillée ; et ce pas n’est le seul lot de consolation pour les ignorants que nous sommes.


merci à Joseph Vebret

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L’éclair de Spinoza. Romain Rolland 1924. L’identité Nietzsche-Spinoza chère à Deleuze, ici…

L’éclair de Spinoza. Romain Rolland 1924.
Dernières pages de l’ouvrage.
L’identité Nietzsche-Spinoza chère à Deleuze, ici…,
trouve peut-être, sans doute, un écho, une source,
Deleuze n’est pas encore né et déjà Romain Rolland,
ami de Charles Péguy,
creuse la « troisième éthique » de Spinoza
et s’attarde sur Henri-David Thoreau…
Romain Rolland est à redécouvrir, à lire et à relire

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Michel Host avec Spinoza et Hölderlin

Host avec Spinoza et Hölderlin .


Le poète ne s’éteint pas à son absence.

La poésie n’est pas une combinaison de mots.
More geometrico, Michel Host avance masqué.
Sous la méthode, héraldique pour la forme, les signes anatomiques, coupes des hauteurs, renvoient à des scolies.
Féminines, ce sont des notes de grammaire.
Masculins, les fils d’Ariane de Spinoza. Anima, Animus.
La métrique impeccable et serrée,
Michel Host évite en permanence le risque de la préciosité.
Du classique au cordeau,
il retient l’exigence tendue dans le sens de l’amour duel.
Le tailleur de mots justes sculpte sa passion libre,
au point que les sens du lecteur jaloux
s’éveillent aux vérités secrètes
d’une vie déroulée qui regarde devant.
L’authentique contrainte imposée à l’écriture libère et ouvre.
Les chrysalides de la pudeur, ciselées et précises,
rendent tout simplement possibles
les expressions d’aveux inouïs et de confidences inédites.
L’art de la rencontre est poli.
Ce qu’on pourrait moquer, ces grands crus érotiques,
est ici transmuté en beauté limpide.
Le bonheur suit précisément parce qu’il est retenu,
conservé et offert : amour courtois.
Une garde toute en respect implique le spectateur.
Du fond de son fauteuil, il dit oui.
Il déguste et savoure.
Puis il se lève et sourit au poète, à sa muse et à son double unique.
Il voudrait applaudir, tétanisé.
Son cœur s’est envolé. Nous n’étions pas là.
Nous ne serons plus là.
Vous êtes ici dans les instants essentiels que fendent les mots du poète.
Abandonnant hache et scie, le polisseur de lunettes, modeste,
annonce le mot de Hölderlin :
«Nous sommes tous des diamants dans la mine. »
L’unique amante, coupée de toutes les figurations, initie l’éphèbe.
Au delà de la gourme, toute gangue abolie,
le trésor de l’île a trouvé son berger.
Les dieux se cachent. La déesse exulte.
Jeûner murit l’homme.
Il sent bien et expérimente que l’amante est éternelle.

Éternité délicate.

Didier Bazy
postface à Figurations de l’amante EDITIONS DE L ATLANTIQUE, 2O1O

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